dimanche 26 octobre 2008

"Tigre blanc" ("The White Tiger"),, Aravin Adiga

Chers amis lecteurs,

Je viens d'achever la lecture du "Tigre blanc" ("The White Tiger") de
l'écrivain Indien Aravin Adiga, lauréat du "Booker Prize 2008". Il n'est
pas commun de remporter ce prix littéraire très très prestigueux pour un
premier roman !

L'auteur est né en 1974. C'est donc un enfant de ce miracle économique
indien, qui dessine la trame de fond du roman. On y découvre l'itinéraire
(les bons profs disent "le parcours herméneutique !") de Belram, un jeune
homme très pauvre né dans les bas-fonds d'une province sordide du nord de
l'Inde (le Bihar) - à sa naissance, ses parents n'ont pas même pris la
peine de lui donner un prénom. Mais ce garçon est très vite remarqué par
son instituteur qui, impressionné par sa ruse et son intelligence, a tôt
fait de la surnommer "le tigre blanc". Hélas, l'intelligence ne guérit pas
toujours de la pauvreté ! Belram exerce donc quelques petits boulots
souvent malhonnêtes, toujours humiliants, avant de découvrir le monde de
... l'entreprise ! et le florissant marché de l'informatique ! Il devient
le chauffeur d'un chef d'entreprise (qui achève de pervertir le pauvre
garçon) : on le charge de convoyer de fantastiques sommes d'argent dont le
but est de corrompre tel ou tel fonctionnaire pour obtenir des marchés.
Aigri, incapable de se faire à l'idée qu'il sera toujours un
laissé-pour-compte de la "shining India" (l'Inde des hôtels de luxe et des
restaurants branchés ; pas celle des 36 millions de dieux, de la crasse et
des bains dans le Gange !), il finit par assassiner son patron, pour
s'emparer de son argent. Et le meurtre va plutôt bien réussir à ce nouvel
"entrepreneur"...

Des taudis colonisés par les rats du nord de l'Inde jusqu'à l'eldorado
sudiste des nouvelles technologies de Bengalore, "Le Tigre blanc" raconte
l'histoire des oubliés de ce réveil économique de l'Inde, qui nous fascine
tant, vu d'Occident. Aravin Adiga ne se contente pas de dresser une
critique sociale de son pays. Il s'agit de le décrire comme la capitale du
vice, du malheur et de la corruption. Une Inde qui a irrémédiablement
perdu son âme en élevant le cynisme et la réussite à tout prix au rang des
vertus. La description du système scolaire et universitaire indien est
effrayante : les enseignants volent l'argent de l'aide alimentaire,
revendent les uniformes des élèves pour empocher le bénéfice sans que
personne ne s'en émeuve ... parce que leur salaire n'a pas été versé
depuis dix mois, et parce que c'est tout simplement ainsi que le système
fonctionne.

Ce roman est un véritable chef-d'oeuvre littéraire, redoutablement bien
écrit, d'une grande profondeur philosophique - c'est du niveau de Zola ou
de Salman Rushdie, incontestablement. Il se lit d'une traite. C'est
grinçant, drôle, plein de suspens, éprouvant, il donne des sueurs froides
: plaisir de lecture garanti (sinon je vous rembourse l'ouvrage !)

Aravind Adiga est né et vit toujours en Inde du sud, après avoir fait des
études de lettres à l'Université d'Oxford puis à Columbia (New York). Il
est actuellement journaliste au magazine "Time", à Bombay.
Pour voir la tête qu'il a :
http://www.radio-canada.ca/arts-spectacles/livres/2008/10/15/002-booker-prize.asp

Bonne lecture, et bonnes vacances !
Sébastien Cazalas.

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