lundi 9 janvier 2012

" Espagne comment, pendant trois mois, je suis arrivé à leur faire manger de la salade sans huile et sans vinaigre, si bien qu'à leur retour en France ils étaient dégoûtés de l'huile et du vinaigre ! "

ALEXANDRE DUMAS (PERE)
" Il avait le tort de faire des livres, et c'est ce qui l'a perdu ", disait de lui sa cuisinière. Et peut-être Dumas lui-même aurait-il été de cet avis. La cuisine était son violon d'Ingres, son rêve, son ambition.
- Vous me demandez, disait-il, d'où vient mon goût pour la cuisine. Comme celui de la poésie, il me vient du ciel... J'ai étudié sous tous les maîtres et, particulièrement, sous ce grand maître qu'on appelle la nécessité. Demandez à mes compagnons de voyage en Espagne comment, pendant trois mois, je suis arrivé à leur faire manger de la salade sans huile et sans vinaigre, si bien qu'à leur retour en France ils étaient dégoûtés de l'huile et du vinaigre !
D'après B. Pifteau, dans " Alexandre Dumas en manches de chemise ", il s'écriait après les repas :
- C'est ennuyeux de manger à sa faim, car aussitôt on n'a plus faim.
En plus du " Grand Dictionnaire de cuisine ", sa grande oeuvre, il composa avec ses amis de la Société des agathopèdes, un calendrier culinaire où tous les mois avaient un nom de plat : Huitrinaire, Crêpose, Jambonose, Truffose, Boudinal, Canardinal, Cerisidor, Melonidor, Petitpoisidor...
Le résultat fut... son embonpoint, tout au moins selon Théophile Gautier : " L'africanisme de ses passions ne l'empêche pas d'être très dodu, sa taille de tambour-major est cause qu'il ne paraît pas aussi gros que ses rivaux en génie, cependant il pèse autant qu'eux. "
Ce n'étaient pas les pâtes qui le faisaient grossir, car il les avait en horreur. Il résista, nous dit Jules Bertaut dans " Les Belles Nuits de Paris ", même au divin macaroni de Rossini, mais pour impressionner une jolie femme de ses amies, il apprit cependant la recette d'un chef de cuisine napolitain. En revanche, il adorait les fruits. " Il était superbe, rapporte Léon Gozlan, de pantagruélisme végétal, sa cravate ôtée, sa chemise ouverte, son couteau à la main, riant, buvant, tranchant dans la pulpe d'une poire du Doyenné.
Après un voyage en Orient, " Alexandre Dumas, raconte G. Lenotre, s'était mis en tête de préparer pour ses hôtes - il avait toujours table ouverte - un schislik. Et le voici qui, tout en bavardant et captivant son auditoire de son esprit, retrousse ses manches, et embroche un filet de boeuf. Pendant que la pièce rôtit, Dumas en découpe de petits morceaux de la grosseur d'une noix qu'il détache et fait revenir dans une poêle avec du beurre et du persil haché. Il surveille en même temps une grosse marmite où mijote un chou fortement bardé de lard. Les invités ont leur tâche : armés chacun d'une cuiller à pot, ils doivent arroser continuellement le chou avec le jus du schislik ".
Ensuite, on dîna. Le convive qui raconta ce dîner à Lenotre enfant - quelle merveille un homme qui avait dîné chez Alexandre Dumas ! - assura que le schislik était immangeable, et le chou à la géorgienne cru. Il paraît qu'Alexandre Dumas, tout à ses souvenirs d'Orient, fut le seul à ne pas s'en apercevoir.
(A. Castelot - l'Histoire à table -Librairie académique Perrin)

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