vendredi 19 juillet 2013

Les conditions de travail chez Amazon

On me communique :


*** Le journaliste Jean-Baptiste Malet s’est fait embaucher à l’entrepôt de la multinationale à Montélimar. Un récit glaçant. Pourquoi avoir choisi le mode de l’infiltration pour enquêter sur Amazon ? Quand je suis dans une ville, je cherche les librairies indépendantes. De plus en plus ferment. Je me suis demandé qui les remplaçait. Réponse : l’e-commerce industriel dont Amazon – qui représente 8 % des ventes de livres en France – est leader. J’ai cherché à rencontrer des employés à la sortie de leur travail à Montélimar. Ils étaient effrayés. Leur contrat leur interdit de parler de leurs conditions de travail, même à leur famille. Ce qui est illégal. Alors je me suis fait embaucher. L’entrepôt de Montélimar est organisé sur le même modèle que tous les entrepôts d’Amazon à travers le monde. Les bâtiments ont la même architecture, les “process” sont tous identiques et ils sont tous situés dans des zones où le taux de chômage local est supérieur à la moyenne nationale. Pouvez-vous décrire les conditions de travail ? Je travaillais en horaires de nuit, de 21 h 30 à 4 h 50 avec deux pauses de 20 minutes. Mais les pauses sont rognées par le temps de marche vers les pointeuses situées au bout de l’usine. La semaine débutait le dimanche pour cinq nuits d’affilée. A l’approche de Noël, le rythme passait à six nuits. Nous sommes payés 9,725 € brut de l’heure. Il y a deux types de poste : les “pickeurs” qui récupèrent les produits entreposés et les “packeurs” qui les emballent. J’étais “pickeur”. Dans un entrepôt grand comme quatre terrains de foot, on parcourt plus de vingt kilomètres par nuit. Scan avec écran en main, j’étais suivi en permanence par un ordinateur qui calcule en temps réel ce qu’on fait et où l’on est, car notre scanette est géolocalisable. Ma productivité, qui devait tout le temps augmenter, était surveillée en temps réel par les managers. Plusieurs fois par nuit, on venait m’informer de mon taux de productivité. Le but étant d’atteindre 120 à 130 articles à l’heure. Interdiction de s’asseoir, de parler… En cas d’irrégularité dans mon rythme de travail, ils pouvaient me convoquer. Les méthodes de management sont aussi très contestables… Oui, absolument. A chaque sortie du “floor ”, les salariés doivent parfois passer à travers des portiques pour vérifier qu’ils n’ont rien volé. S’il y a un doute, les vigiles peuvent utiliser des détecteurs de métaux et effectuer des fouilles au corps... “L’ordre interne” d’Amazon est très semblable au travail tel qu’il était organisé en Union Soviétique : c’est un nouveau collectivisme où les droits et les libertés des individus sont niés. Amazon cultive sans complexe le stakhanovisme et demande aux travailleurs d’applaudir les “top-performers”, les “leaders”. Amazon, ce n’est pas simplement un travail ouvrier, c’est surtout une véritable idéologie. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est le conditionnement psychologique. Amazon a instauré un système de délation entre les travailleurs, avec un encadrement total, afin qu’ils dénoncent à leurs supérieurs des travailleurs jugés peu productifs. Cela s’appelle “faire remonter une anomalie”. Comment expliquez-vous la passivité des syndicats et des salariés ? Amazon est extrêmement hostile aux syndicats en France. Ils ne sont pas passifs. Ils font simplement face à une multinationale armée de moyens colossaux, et parfois admirée par des clients, des politiques ou des journalistes idolâtres qui ne veulent pas voir l’envers de l’écran. Derrière cette économie, il y a pourtant des travailleurs invisibles, traités comme des poulets de batterie. Chaque nouvelle implantation d’entrepôt en France est saluée par les politiques… A court terme, Amazon crée des emplois dans des petites villes frappées par le chômage. Mais pour le même volume de livres vendu, Amazon a besoin de 18 fois moins de main-d’œuvre qu’une librairie. En deux mois en France, il y a plus de suppression de postes dans cette branche que le nombre d’emplois que comptera Amazon en 2014. La classe politique ignore ou feint d’ignorer la fraude fiscale d’Amazon, les conditions de travail et cette réalité économique, tout en donnant de l’argent public pour aider à l’implantation d’entrepôts. Si les politiques ne réagissent pas très vite face aux multinationales qui ne respectent pas nos lois, ils seront à terme les fossoyeurs de la République. * En Amazonie. Infiltré dans le meilleur des mondes (Editions Fayard), 155 pages. http://www.midilibre.fr/2013/07/18/les-salaries-d-amazon-des-poulets-de-batterie,736050.php

Aucun commentaire:

 
Site Meter